PUITS (rue et place du)

     En 1561, c'était la rue « tendant de l'esglise de Sainte-Catherine à la charrière de Helins ». C'est ainsi que s'exprime le rédacteur d'un aveu rendu à la seigneurie de Saint-Nicol. Mais il ne sera peut-être pas superflu d'ajouter, à titre d'éclaircissement, que la charrière dite de Helins est aujourd'hui le chemin de la Croix-Rouge, et que cette dénomination recueillie dans les vieux textes est la preuve des changements de forme qu'ont subi les noms de lieu en arrivant jusqu'à nous. Helins est la transformation du mot Hellouin; cette appellation qui semble inexplicable est facile à comprendre lorsqu'on sait que l'abbaye du Bec-Hellouin a possédé jusqu'en 1494 les terres et seigneuries d'Equemauville. La maison dite Des Portes Helins, située prés du Val-la-Reine, a conservé sous un habillement moderne le souvenir de la célèbre abbaye.
D'autres aveux de 1557 font mention de la rue du Puys ou de la rue «tendant au Puys ». Pendant longtemps la première partie de la rue a été seule bâtie. Dans la partie haute on ne voyait que des jardins.

-La maison n° 2 porte sur sa façade la date de 1818. Les ateliers de l'imprimerie de C. de Baudre y furent installés en avril 1842.

-Aux n°6 et 8 se présentent deux corps de logis dont la devanture n'a subi aucune altération. Leur construction date du commencement du XVIIème siècle. On remarquera les solides membrures de la porte d'entrée garnie de ferrements et de têtes de clous, les pièces de charpente de la façade et les vantaux qui servent de fermeture à une fenêtre du rez-de-chaussée. Ces bâtiments ont été pendant longtemps à usage d'auberge, connue sous le nom de « Soleil d'Or ». De 1666 à 1728, Pierre Lefebvre fut l'hôtelier de cette auberge. Il eut pour héritière la famille Barbel qui donna en location le Soleil d'Or. La maison fut vendue le 4 septembre 1805.

-Nous signalerons le n° 16, non point que la maison présente une particularité extérieure digne d'attention, mais parce que le même corps d'état y est établi, la même industrie s'y exerce depuis 332 années. Il y a près de trois siècles et demi qu'on pétrit dans cette maison le pain quotidien, car dès l'année 1568 un fonds de boulanger y était ouvert.

-En face, au n° 27, est la petite maison où est né, le 29 novembre 1817, Mgr Vesque, évêque du Roseau. Désiré-Michel Vesque fut successivement vicaire de la paroisse Sainte-Catherine, missionnaire de Notre-Dame de la Délivrande, puis aumônier du monastère de Norwood

-Les n°35, 37, 39 et 41 offrent les plus vieilles façades de la rue du Puits. La maison n° 35 est une construction du XVIe siècle; on y remarque plusieurs médaillons sculptés et des armoiries.

-De l'autre côté de la rue est une maison de quelque apparence; elle occupe le n° 36. On a recueilli peu de renseignements sur cette habitation. Néanmoins, plusieurs actes permettent de supposer qu'elle a été la demeure de Thomas Bigot, « juge vicomtal des jours de Roncheville » en 1565-1605; celle de son fils qui portait le même prénom, Thomas Bigot, lieutenant général en la vicomté de Roncheville (1607-1625), échevin en 1626-1631, et celle de son petit-fils, Michel Bigot, qui fut maire de Honfleur (1699-1715). Ce dernier avait épousé Marie Bunel, décédée en 1682. Nous citons ce dernier nom par la raison qu'il nous fournit celui des plus anciens propriétaires de ce terrain. Madeleine Bunel et Guillemette Bunel sont citées dans des aveux servis à la seigneurie de Saint-Nicol, en 1590 et 1597, pour des places de terre et maisons situées dans la rue du Puits.

En 1782, la maison qui nous occupe appartenait à Jean-Baptiste-Joseph Cuvelier, receveur des droits de vicomte, lequel avait épousé Marie-Marguerite-Charlotte Delanney. M.-C.Delanney était la petite-fille d'un ancien maire de Honfleur (1736-1745), Charles Delanney, conseiller du roi, vicomte et juge de police de Honfleur, subdélégué de l'intendant. Joseph Cuvelier vendit la maison à Pierre-Guillaume-Robert Bunel, changeur, qui devait à notre avis être l'arrière-petit-fils d'un Jean-Baptiste Bunel, domicilié dans la rue du Puits en 1680. Robert Bunel se qualifiait « receveur de la loterie royale et des droits de Mgr le prince de Condé, à Honfleur ». Par acte du 7 juin 1790, il céda la maison n° 36 à Charles Le Lièvre, ancien capitaine de navire.

Il serait inutile de nous arrêter plus longtemps sur les maisons du Puits, si nous n'avions à faire remarquer les constructions en bois qui portent le n° 49. C'est un bâtiment qui, selon nous, date du XVIIe siècle. Nous n'en connaissons pas les propriétaires avant le milieu du siècle suivant. L'immeuble appartenait alors à la famille Labbey de Gonnoville, dont Louis-Jacques-Armand Labbey, écuyer, lieutenant particulier au bailliage d'Auge, qui se maria à Honfleur en 1752, et posséda la terre de Villerville.

Arrêté et détenu dans la maison d'arrêt en 1793, M. Labbey de Gonneville y tomba malade. Le comité de surveillance lui permit de se retirer dans sa maison de la rue du Puits et mit une garde de quatre soldats à sa porte : son fils, Louis-Charles-Victor Labbey de Gonneville, et son gendre, M. de Banville, chevau-léger de la garde du roi, avaient émigré. Mme de Banville vendit cette maison, en 1809, à Jacques- Abraham Deslandes.

A quelques pas au delà, résida pendant quelques années un peintre nommé Camille de Savignac. Il a exposé plusieurs tableaux au Salon de 1841. On a gravé de lui deux « Vues de la côte de Grâce » dessinées en 1842. Malgré que cet artiste ait vécu pendant longtemps à Honfleur, il y a été fort peu connu.

Par contre, beaucoup de personnes se rappellent un autre habitant de la rue du Puits qui avait eu l'insigne honneur d'avoir été un des vainqueurs de la Bastille»» ce qui lui attirait la plus grande considération. C'était le citoyen Baillet. A l'âge de dix-neuf ans, il s'était précipité au siège de la célèbre prison sans trop savoir pourquoi : on peut le présumer. Mais on inscrivit son nom avec respect et reconnaissance sur les registres de la municipalité, en 1794, lorsque le citoyen Baillet y apporta un pistolet d'arçon, « trophée enlevé dans l'arsenal de la forteresse ». Il y a des lecteurs qui peut-être voudraient savoir d'autres particularités sur la vie du jeune héros, ils seront frustrés dans leur attente.

Nous plaçons dans la rue du Puits le lieu de naissance de Louis Largilliert, naturaliste, qui a laissé au musée de Rouen une magnifique collection de coquilles. Largilliert est né à Honfleur le 20 avril 1798 ; son père, né également à Honfleur, était lieutenant-colonel d'artillerie.

Dans la rue du Puits, des titres du XVIe siècle placent les hôtelleries del'Aigle d'Or et de l'Ecu de France, mais rien ne nous permet d'en indiquer l'emplacement.
A la suite de cette rue, s'étend une petite place sur laquelle s'ouvre la maison n° 7. La porte en cintre qu'on y remarque est l'entrée de l'ancien couvent des Dames Augustines, établi en ce lieu au mois de décembre 1652, vendu comme bien national en 1794.

Source :
Notice historique de la rue du puits extraite de l'ouvrage : 
 Vieilles rues et vieilles maisons de Honfleur du XVe siècle à nos jours /
Charles Bréard -au siège de la Société (Honfleur)-1900 
 disponible en intégralité sur Gallica (bibliothèque numérique de la BNF)
gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5652254p